Conflit au travail

Démission silencieuse, les ravages du quiet quitting

Quiet quitting, les ravages de la démission silencieuse

Entre nonchalance et désengagement, seuls 7 % des Français seraient engagés au travail, contre 13% des Européens

State of the Global Workplace : 2023 Report – Gallup

Qu’est-ce que le quiet quitting ?

Contrairement à une démission classique où l’employé informe son supérieur hiérarchique et donne un préavis, la démission silencieuse ou quiet quitting se produit lorsque l’employé choisit de se démobiliser dans son travail, sans poser de démission. C’est un état avancé de désengagement professionnel dans lequel les salariés en poste revendiquent d’effectuer le strict minimum régi par leur contrat de travail. En situation d’abandon mental de poste, de « décrochage » par rapport à la mission de leur l’entreprise et leurs responsabilités, ils ne démissionnent pas malgré leur total manque de motivation.

Ils refusent toute forme d’extra comme des heures supplémentaires, des responsabilités additionnelles, des sollicitations hors cadre, et certains vont jusqu’à revendiquer leurs positions notamment sur les réseaux sociaux. Des salariés de tous âges, démotivés, fatigués, proches du burn-out, décident de réduire leur investissement dans l’entreprise, de ralentir leur rythme de travail pour préserver leur santé mentale.

Le State of the Global Workplace : 2023 Report de Gallup établit que 6 collaborateurs sur 10 dans le monde seraient concernés par le désengagement professionnel, ce qui en fait un phénomène massif et explosif pour nos entreprises et notre société. Cette démission silencieuse coûterait en moyenne 8.800 milliards de dollars à l’économie mondiale, soit environ 9 % du PIB mondial.

Ainsi, cette forme de désengagement professionnel a des conséquences majeures pour l’entreprise : détérioration du climat social, baisse de performance, absentéisme accru… Source de conflits dans les entreprises elle est nourrie par un vécu subjectif de manque de solidarité, un sentiment d’iniquité et d’injustice à tous les niveaux de l’entreprise, entre pairs, avec des subordonnés, avec l’encadrement.

En général il n’y a pas de grand soir dans l’installation de ce désengagement. Le quiet quitter se met progressivement à refuser toute heure supplémentaire même en cas d’urgence, toute responsabilité ne faisant pas partie de son périmètre, toute sollicitation en dehors de ses horaires de travail, toute demande d’aide. Il s’abstient également de toute prise d’initiative, limite les interactions sociales en s’isolant de ses collègues et ne s’implique pas dans les moments collectifs vécus en entreprise. Il présente également des signes d’expressions non verbales : changement de posture (épaules affaissées, bras croisés, regard fuyant, masque de tristesse). In fine, sa performance diminue et son développement professionnel se grippe.

Comment expliquer ce phénomène ?

Ennui au travail lié à l’exécution de tâches répétitives ou rébarbatives ? Surinvestissement qui a provoqué un épuisement professionnel ? Manque de clarté de l’organisation ? Faible gestion des conflits ? Manque de formation du leadership ? Faible reconnaissance ? Déliquescence du sens ? Conflits interpersonnels et/ou personnels ? Faibles perspectives d’évolution ? …

Qu’elles soient organisationnelles, managériales ou plus personnelles, les causes du désengagement au travail ont comme point commun d’être synonymes de mal être au travail. Les salariés souffrent lorsque leur travail leur parait de mauvaise qualité, non reconnu, inutile, et/ou lorsqu’ils l’exercent dans des conditions difficiles. Or, plus l’état mental est affecté, plus le rapport au travail est impacté

Devenir un quiet quitter peut être une décision difficile pour un employé, mais cela peut sembler être la meilleure option dans certaines situations où il y a un manque de communication, de soutien ou de solutions aux problèmes rencontrés au travail. Le désalignement entre les besoins des travailleurs et les réponses de l’institution sur le sens et les conditions de travail accentue toujours plus leurs incompréhensions mutuelles.

Attention aux généralisations simplistes qui laisseraient à penser que les quiet quitters sont des fainéants ou des profiteurs ! En effet, la grève du zèle, le freinage, le retrait voire l’apathie relèveraient plutôt de la mise en de stratégies de défense individuelles et collectives lorsque le travail n’est plus tenable. Les pathologies du travail surviennent lorsque les équilibres maintenus par les processus défensifs ne sont plus suffisants, les collaborateurs ne trouvent plus en eux l’énergie de lutter contre un système et de transformer la situation stressante qu’ils vivent.

Erich Fromm, dans son ouvrage Avoir ou être (Robert Laffont, souligne dès 1976 que dans de nombreuses sociétés modernes, les mesures de l’avoir sont souvent privilégiées au détriment des mesures de l’être, ce qui peut conduire à un vide intérieur, à une insatisfaction chronique et à une quête sans fin de possessions matérielles.

Ainsi, nous aurions plus tendance à évaluer le succès, le bonheur ou la valeur d’une personne en fonction de ses possessions matérielles, de son statut social ou de sa richesse matérielle que par sa compassion, son empathie, sa créativité et sa connexion avec les autres et avec elle-même. Il plaide en faveur d’un équilibre entre ces deux dimensions de la vie, mettant en avant l’importance de cultiver des valeurs intérieures et des relations significatives tout en reconnaissant les besoins matériels et les réalisations extérieures. Serait-ce une première piste pour lutter contre le désengagement au travail ?

Re-motiver les salariés concernés ?

Pour prévenir ce phénomène de démission silencieuse, perçu comme un énième défi à relever par les employeurs, il est essentiel de mettre en place des mesures à la fois centrées sur l’avoir et sur l’être bien entendu, mais il faut aller plus loin et consacrer des mesures à part entière au sens et à la subjectivité du travail. Ces 4 typologies de mesures de remotivation sont les suivantes : 

Mesures de l’avoir

  • Rémunération compétitive et équitable.
  • Avantages sociaux attractifs tels que l’assurance santé, les régimes de retraite, les congés payés.
  • Opportunités de développement de carrière.
  • Programmes de reconnaissance et de récompenses pour valoriser les contributions.
  • Environnement physique de travail confortable et équipements adéquats.

Dans de nombreux contextes organisationnels, les mesures de l’avoir peuvent sembler plus faciles à mettre en place que les mesures de l’être. En effet, elles sont mesurables, quantifiables, budgétisées, alors que les mesures de l’être sont subjectives et nécessitent un investissement à plus long terme dans la culture et les pratiques organisationnelles. Pourtant, les mesures de l’être sont souvent essentielles pour favoriser un engagement durable et une satisfaction au travail à long terme

Mesures de l’être

  • Culture d’entreprise positive basée sur la confiance, le respect, la collaboration et l’inclusion.
  • Communication ouverte à tous les niveaux de l’organisation.
  • Encouragement de l’autonomie et de la prise d’initiatives.
  • Développement du leadership inspirant et empathique.
  • Promotion du bien-être mental, émotionnel et physique des employés.

Mesures de sens

Questionner le sens de son travail c’est comprendre sa finalité et sa portée. C’est aussi avoir le sentiment de contribuer à une action globale plus grande que soit ce qui contribue à renforcer sa légitimité. 

  • Clarification de la vision et des valeurs de l’entreprise pour clarifier l’objectif du travail de chacun
  • Opportunités de bénévolat ou d’engagement communautaire parrainées par l’entreprise 
  • Encouragement de l’innovation et de la créativité pour restituer une forme de liberté
  • Visualisation de l’impact positif du travail des employés sur les clients et les utilisateurs finaux

Mesures de subjectivité

Travailler sa subjectivité au travail implique de développer une conscience de ses propres pensées, émotions, valeurs et perspectives, ainsi que de comprendre comment ces aspects influencent son comportement et ses interactions professionnelles. Elle est essentielle pour comprendre une situation de souffrance et aider les parties à trouver une solution.

  • Création d’un environnement de soutien et d’ouverture à l’expression des salariés
  • Formation sur la conscience de soi et l’intelligence émotionnelle pour aider les employés à mieux comprendre leurs propres émotions et celles des autres.
  • Création d’un environnement de travail qui encourage l’acceptation de la diversité 
  • Évaluation régulière du climat organisationnel
  • Mise en place de processus de résolution de conflits et de médiation pour traiter les différends de manière équitable et respectueuse.

En intégrant différentes initiatives sur ces différents champs de nature de mesure dans leur stratégie de gestion des ressources humaines, les employeurs peuvent préventivement limiter le désengagement. L’initiative de médiation est un acte de management puissant, simple et rapide à mettre en place qui fera l’objet d’un développement ci-contre car il est probablement sous-exploité aujourd’hui par les organisations.

Dans tous les cas, la communication doit être le premier réflexe face à un salarié qui présente des signes de démission silencieuse, afin de chercher à comprendre les causes du problème et ses besoins.

La médiation est un acte de management en soi

La médiation est un processus de résolution des conflits dans lequel un tiers neutre et impartial intervient pour aider les parties en conflit à trouver des solutions mutuellement acceptables. C’est un processus structuré, guidé et confidentiel visant à résoudre les conflits entre différentes parties de manière constructive et collaborative. Lorsqu’elle est utilisée au sein d’une organisation, la médiation peut jouer un rôle important dans la gestion des relations interpersonnelles et la résolution des conflits entre les employés entre eux et/ou avec leur employeur.

La médiation intra-entreprise peut certainement être considérée de ce fait comme un acte de management déclenchée par le leadership de l’entreprise et confié à un tiers externe, neutre et indépendant. C’est un mode de prévention et de gestion des risques psycho-sociaux (RPS) innovant et pertinent qui permet même à l’employeur d’exercer ses prérogatives patronales en favorisant la santé au travail et en contribuant à la qualité de vie au travail.

Les démissions silencieuses se produisent lorsque les employés décident de quitter leur emploi sans exprimer ouvertement leurs préoccupations ou leurs frustrations à leur employeur. Le processus de médiation va justement permettre de proposer un espace de parole sécurisé et confidentiel où cette souffrance subjective pourra être exprimée librement ?

Bénéfices principaux d’un recours à un processus de médiation

  • Résolution proactive des conflits : La médiation permet de résoudre les conflits et les tensions entre les employés ou entre les employés et la direction avant qu’ils ne s’aggravent au point où les employés choisissent de démissionner silencieusement. 
  • Facilitation de la communication : La médiation favorise une communication ouverte et constructive entre les parties en conflit, ce qui aide à clarifier les malentendus, à exprimer les préoccupations et à trouver des solutions aux problèmes en encourageant les employés et l’employeur à exprimer leurs préoccupations et leurs points de vue dans un cadre de communication respectueux et sécurisé 
  • Identification des problèmes sous-jacents : La médiation permet d’explorer les causes profondes des conflits et des problèmes au sein de l’organisation. Les échanges confidentiels et sécurisés entre les parties vont permettre de faire exprimer les facteurs qui contribuent aux frustrations ou au mécontentement des employés, au-delà des faits visibles à la surface.
  • Réduction des litiges : En résolvant les conflits de manière proactive et non contentieuse, la médiation peut contribuer à réduire le risque de litiges formels ou de plaintes déposées auprès des ressources humaines ou des instances juridiques externes.
  • Gestion des performances : En identifiant et en traitant les problèmes de manière proactive, la médiation peut également contribuer à améliorer les performances individuelles et collectives en éliminant les obstacles à la collaboration et à la productivité dans l’entreprise.
  • Renforcement du leadership : La capacité à gérer efficacement les conflits et à faciliter la résolution de problèmes est une compétence clé pour les managers. En faisant appel à des professionnels de la médiation, neutres et indépendants, les managers démontrent leur capacité à diriger positivement les dynamiques au sein de leur équipe et à prendre les décisions qui s’imposent en temps voulu pour préserver la performance de l’entreprise

Déroulement du processus structuré de médiation

Le déroulé d’une médiation intra-entreprise varie en fonction de la nature du malaise ou du conflit, des personnes impliquées et des pratiques spécifiques de l’organisation. Cependant, il obéit généralement aux étapes suivantes :

  • Identification du besoin de médiation : La médiation peut être déclenchée par divers signaux, tels que des conflits récurrents entre employés, des tensions au sein d’une équipe, des problèmes de communication ou des plaintes formelles déposées 
  • Sélection du médiateur : Un médiateur neutre et impartial est sélectionné pour organiser le processus de médiation.
  • Préparation : Le médiateur rencontre individuellement chaque partie impliquée dans le conflit pour expliquer le processus de médiation, s’assurer de leur volonté éclairée et recueillir les informations sur le contexte et les attentes
  • Session de médiation : Une réunion plénière est organisée en présence de toutes les parties prenantes. Le médiateur facilite la discussion en encourageant chacune des parties à exprimer ses points de vue, ses besoins et ses préoccupations.
  • Exploration des intérêts et des besoins : Le médiateur guide les parties dans l’identification de leurs intérêts profonds et de leurs besoins communs. Cela permet de dépasser les positions initiales et de trouver des solutions créatives qui répondent aux intérêts de toutes les parties.
  • Génération d’options : Les parties collaborent pour générer des options de résolution du conflit. Le médiateur encourage la créativité et l’ouverture d’esprit pour trouver des solutions mutuellement acceptables. Le médiateur ne conseille pas les options, les parties prenantes sont acteurs.
  • Négociation et accord : Les parties négocient leur accord de médiation en prenant en compte les options discutées. Si besoin et selon le contexte, cet accord est documenté et signé par les parties.
  • Suivi : Après la médiation, un suivi peut être effectué pour s’assurer que l’accord est respecté et que les relations entre les parties se sont améliorées. Des mesures correctives peuvent être prises si nécessaire.

La médiation intra-entreprise repose sur les principes de confidentialité, d’impartialité et de volontariat. Les parties doivent être volontaires pour participer à la médiation, et le processus est confidentiel afin de favoriser une communication ouverte et libre.

En résumé

La médiation intra-entreprise est un outil précieux pour toutes les parties prenantes de l’entreprise qui cherchent à gérer efficacement les conflits et à promouvoir un environnement de travail harmonieux et productif. En intégrant la médiation dans leur stratégie de gestion des ressources humaines, les entreprises peuvent favoriser des relations interpersonnelles positives, réduire les tensions au sein de l’équipe, améliorer la satisfaction et l’engagement des employés et leur performance. Ne nous méprenons pas, la médiation n’est pas un consensus mou. Bien que la médiation vise à trouver un terrain d’entente entre les parties en conflit, cela ne signifie pas qu’elle aboutit à un compromis minimaliste ou à une solution floue. Elle offre un processus structuré et créatif pour résoudre les différends de manière équitable et respectueuse, tout en tenant compte des intérêts, des besoins et des principes des parties impliquées.

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