La complexité de la succession partage
Le départ d’un proche est une épreuve pour chacun de ses enfants comme pour le conjoint survivant. Individuellement, ces personnes sont amenées à faire le deuil du défunt, par le souvenir du vécu commun. Cette perte peut aussi susciter des regrets ou des remords et rappeler que chacun est mortel. Elle peut enfin réveiller non-dits, des rancœurs ou des jalousies enfouis parfois depuis de nombreuses années.
Mais les relations entre frères et sœurs ou avec le conjoint survivant peuvent aussi être mises en danger au moment de la succession des biens du défunt. Gérer une succession et un partage implique bien sûr de répartir son patrimoine entre ses héritiers. Il y a aussi des dimensions immatérielles dans ces actions, et c’est ce qui en fait toute la complexité.
Comment gérer une succession au sein d’une fratrie, dans toutes ses dimensions, sans dégrader les relations entre frères et sœurs, les principaux héritiers ? Vous trouverez sur cette page tous les éléments d’information nécessaires pour aborder cette question de manière éclairée.
Symbolique de la notion d’héritage
Il serait réducteur de voir l’héritage comme une simple transmission de biens matériels après un décès. La notion d’héritage est en effet globale, et elle comprend de nombreux éléments immatériels tels que la transmission de souvenirs, de connaissances, de valeurs, de traditions. Les biens matériels en sont la représentation. L’héritage a donc une dimension symbolique, liée à l’appartenance à une famille, à une communauté, et aux responsabilités qui en résultent.
Ajoutons que ces niveaux de signification de l’héritage peuvent être perçus très différemment par les différents héritiers, en fonction de leur âge et de leur parcours personnel. Ce peut être une source importante de malentendus, voire de conflits. Traiter une succession demande donc beaucoup d’attention, de respect et de prudence, pour une bonne prise en compte de toutes ses dimensions, y compris symboliques et affectives.
La succession au plan légal et administratif
Sur le plan légal et administratif, les principales étapes d’une succession sont les suivantes :
- Obtenir l’acte de décès : il s’agit du document officiel qui permet d’effectuer les démarches administratives. Il peut être demandé à la mairie du lieu du décès ou du dernier domicile du défunt, ou en ligne sur service-public.fr.
- Faire intervenir un notaire : c’est obligatoire pour régler une succession, notamment quand le patrimoine du défunt comporte un bien immobilier. C’est également recommandé lorsque la succession est importante ou implique plusieurs personnes.
- Identifier les héritiers, selon le code civil ou le testament, s’il existe. Ce sont généralement les descendants (enfants, petits-enfants…), le conjoint survivant, les ascendants (parents, grands-parents…), ou les collatéraux (frères, sœurs, neveux, nièces…). Il faut également vérifier si le défunt avait souscrit une assurance-vie au profit d’un bénéficiaire désigné.
- Réaliser l’inventaire des biens, mobiliers (argent, meubles, bijoux, véhicules…) ou immobiliers (maison, appartement, terrain…). Il faut alors les valoriser, en se basant sur des documents factuels (factures, relevés bancaires, actes notariés…), à défaut sur des estimations (expertises, annonces immobilières…).
- Régler les éventuelles dettes du défunt, qu’elles soient fiscales (impôts, taxes), civiles (crédits, loyers, factures) ou pénales (amendes, dommages-intérêts).
- Recueillir l’option successorale, c’est-à-dire la décision de chaque héritier relativement à cette succession. Un héritier peut renoncer à la succession s’il estime que les dettes sont supérieures aux biens.
- Répartir les biens entre les héritiers. Il faut alors payer les droits de succession, calculés en fonction de la valeur des biens reçus et du degré de parenté, dans le délai légal de 6 mois. Par défaut, les biens de la personne défunte appartiennent en commun à l’ensemble des héritiers – ils sont en indivision.
Toutes ces actions doivent être réalisées dans un temps limité. Il est donc important qu’elles ne soient pas pénalisées par les difficultés de communication entre les différents héritiers. Voir sur ce sujet : service-public.fr, le site officiel de l’administration française qui propose des fiches pratiques et des simulateurs sur la succession et notaires.fr, le site du Conseil supérieur du notariat qui offre des conseils et des guides sur la succession.
Sortir de l’indivision : le partage
Les héritiers peuvent décider de rester en indivision. Dans ce cas, il est préférable de l’organiser au moyen d’une convention, qui définira notamment un éventuel mandataire, ainsi que les droits et devoirs de chacun. Mais cette situation d’indivision n’a pas nécessairement la préférence de tous les héritiers. Ils peuvent alors décider de partager les biens en tout ou partie. C’est le partage qui permettra à chaque indivisaire de recevoir sa part.
Il faut ici nuancer l’idée selon laquelle ”on ne peut déshériter ses enfants et le partage se fait à part égale”. Une part du patrimoine, dite part réservataire, est effectivement réservée aux héritiers et partagée en parts égales. L’autre partie du patrimoine, la quotité disponible, qui varie selon le nombre d’enfants, peut être transmise librement à d’autres personnes (ou à certains enfants). Tant que la part réservataire et la quotité disponible ont été correctement établies, il est donc parfaitement possible et légal que certains héritiers puissent être avantagés. Il est important que tous les acteurs concernés par la succession soient bien renseignés sur ces principes de base afin d’aborder sereinement le partage.
Le partage consiste à attribuer à chaque héritier des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision. Les héritiers composent des lots correspondant aux droits de chacun et se répartissent les lots d’un commun accord, ce qui met un terme à l’indivision. Le partage peut intervenir à tout moment. En cas de désaccord persistant sur les termes de ce partage, les héritiers peuvent s’adresser à un juge.
La succession partage suppose un accord entre les indivisaires, et obtenir cet accord peut être difficile, en particulier si les enjeux immatériels de la succession n’ont pas été traités de façon satisfaisante. Il existe un certain nombre de situations qui peuvent conduire, dans les cas extrêmes, à un blocage durable de la succession. Il est donc recommandé d’être vigilant sur la qualité des échanges entre héritiers, de façon à éviter tout malentendu ou conflit. Un conflit peut se cristalliser sur des aspects affectifs et immatériels. Le partage des biens matériels suppose donc que le partage symbolique ait été traité.
Si la question du partage est évidemment centrale dans la mise en œuvre d’une succession, elle n’est cependant pas le seul point d’achoppement susceptible de venir compliquer les choses et dégrader les relations familiales. Les tensions peuvent effectivement naître de la difficulté à trouver un accord sur la destination, le devenir d’une partie de la succession, notamment les biens immobiliers. Faut-il en envisager la cession ? En laisser l’usage à l’un des héritiers et pour quelle contrepartie ? L’exploiter et répartir les fruits de cette exploitation ?
Favoriser la bonne communication entre héritiers
Comme nous l’avons vu, une bonne communication entre héritiers est doublement nécessaire : elle favorise la compréhension mutuelle des attentes de chacun, condition d’un partage dans des conditions et des délais satisfaisants, et elle évite la dégradation des relations familiales. Pour y parvenir, il est donc important de
- Prendre rigoureusement en compte les souhaits du défunt et les accords préalables éventuels
- Garantir la situation du conjoint survivant
- Etre patient, respecter le temps de deuil et se fixer des échéances raisonnables
- Faire preuve d’empathie les uns envers les autres. Le deuil comme la succession sont associés à d’importantes réactions émotionnelles, qu’il est important d’accueillir.
Il est donc recommandé de participer régulièrement aux réunions familiales, voire d’en organiser si c’est opportun, afin de conserver les meilleurs contacts et de favoriser les échanges entre frères et sœurs, neveux et nièces, oncles et tantes. Dans un cadre convivial, les membres de la famille peuvent, tout en discutant informellement, cultiver utilement leur capacité à se comprendre, ce qui sera utile à propos du partage.
Principes d’un partage équitable des biens
Les points essentiels pour assurer la transparence et le bon déroulement du processus de partage sont les suivants :
- Clarifier les enjeux immatériels de la succession
- Engager un dialogue pour leur prise en compte, en laissant s’exprimer les points de vue et les préférences individuelles
- Proposer des principes équitables et transparents pour le partage, documenter les décisions prises au fur et à mesure
- Évaluer la valeur et l’importance sentimentale de chaque bien à partager
- Tenir compte de la situation financière et familiale spécifique de chaque héritier, et des différences intergénérationnelles éventuelles
- Rechercher des solutions ‘créatives’ pour satisfaire les aspirations de chacun
- Proposer plusieurs scénarios de solutions mutuellement acceptables
- Laisser à chacun le temps nécessaire à la concertation et à la décision
- S’assurer que le partage est non seulement équitable, mais aussi perçu comme tel.
Comment vous faire accompagner ?
La complexité d’une succession partage, comme le constat d’une situation de désaccord persistant ou de blocage, peuvent vous conduire à opter pour l’intervention d’un tiers chargé de faciliter le déroulement du partage.
Dans ce sens, l’intervention du notaire chargé de la succession partage est limitée aux actes standards, pour lesquels les tarifs sont réglementés. D’autres prestations peuvent être demandées au notaire ou à un avocat. Elles sont facturées sur honoraire, étant entendu que ces coûts seront partagés entre les héritiers. Ces interventions sont indispensables sur tous les points à caractère juridique, et notamment pour l’accord de partage.
Une option complémentaire consiste à faire intervenir un médiateur familial qualifié en matière de succession partage, pour faciliter les échanges et l’élaboration des meilleures solutions. Ce professionnel permet à chacun de s’exprimer en toute confiance. Il est le garant de l’autonomie familiale en s’interdisant d’indiquer une préférence ou de donner un avis, sa neutralité étant une marque de respect de la liberté de chacun.
Le médiateur familial favorise notamment l’émergence et l’expression des enjeux immatériels, en permettant à chacun de s’exprimer, et à tous d’entendre cette expression. Une fois ce travail réalisé, il soutient la recherche des compromis et des solutions mutuellement acceptables, en tenant compte des dimensions affectives et relationnelles, et en préservant la qualité des relations familiales. Il accompagne ainsi les héritiers durant tout le processus de partage, jusqu’à l’entente et les accords finaux, qui permettent la rédaction des actes juridiques requis.
Chaque fois que c’est nécessaire, il vous oriente vers les professionnels capables de fournir les meilleurs conseils financiers ou juridiques et d’éviter ainsi tout litige. Si un ou plusieurs héritiers ont désigné un avocat pour les accompagner ou les représenter personnellement, l’intervention du médiateur sera effectuée en présence de ces conseils.
Établir les actes juridiques du partage
Les actes juridiques sont destinés à finaliser l’attribution des biens en protégeant les intérêts de chaque héritier. Ces actes sont obligatoirement réalisés par des professionnels, notaires en premier lieu, avocats dans certains cas. Les héritiers peuvent également décider d’établir des conventions pour formaliser leur fonctionnement propre, leurs usages, afin d’inscrire sereinement et dans la durée la manière dont ils ont choisi de gérer la succession : conseils de familles, utilisation partagée de certains biens par exemple.