Quand une DRH ose la médiation, ce que cela change, vraiment

Quand une DRH ose la médiation, cela change beaucoup de choses

Quand une DRH ose la médiation pour la première fois, rares sont ceux qui l’applaudissent. On la regarde parfois avec une certaine défiance, comme si elle proposait un rituel chamanique. Certains collègues froncent les sourcils. D’autres sourient poliment. Un manager lui glisse peut-être qu’il faut “attendre encore un peu”, qu’il est “trop tôt” ou “déjà trop tard”, que cette initiative risque de faire des vagues.

Mais plus tard, quand les tensions s’apaisent, quand les silences se dissipent et que les projets reprennent vie… alors les regards changent. Cette même DRH, qui avait osé ouvrir un espace de dialogue au lieu de refermer le couvercle, est désormais perçue comme une personne courageuse. Celle qui a su agir, quand d’autres détournaient le regard.

Et ce changement de perception, je l’ai vu bien des fois, dans bien des organisations. Il ne tient pas à un miracle, ni à une méthode magique. Il tient à ce que la médiation permet : une considération de l’importance des relations humaines au travail.

Faire appel à un tiers extérieur est un choix stratégique

Dans la réalité quotidienne d’une entreprise, il est difficile d’introduire la médiation sans gêne. Elle est encore perçue, trop souvent, comme un outil accessoire. Un recours “psy”, un dernier filet, un aveu de faiblesse. Il y a cette idée diffuse qu’elle serait réservée aux cas désespérés, aux conflits interpersonnels qu’on ne veut surtout pas exposer.

Et pourtant, la médiation n’a rien d’un outil périphérique. Elle ne consiste pas à “réconcilier” les gens, ni à organiser une thérapie collective. Elle vient poser un cadre neutre, solide, via un tiers extérieur qui ne prend pas parti, pour permettre à des personnes engagées dans une relation de travail difficile de faire une pause dans la spirale des tensions, et d’explorer ce qui peut encore être réparé, clarifié, transformé. Non pas au nom d’une bienveillance hors sol, mais au nom du travail à faire ensemble.

Il ne s’agit pas de revenir “comme avant”. Il s’agit d’ouvrir une autre voie, souvent plus lucide, parfois plus exigeante, mais plus durable.

Le médiateur en soutien des RH

Dans mon métier de médiateur, je ne viens pas juger la manière dont une entreprise gère ses tensions. Je sais trop bien que les décideurs font comme ils peuvent, avec ce qu’ils ont. Que les RH portent des responsabilités multiples, souvent contradictoires. Qu’on leur demande d’être à la fois proches des équipes, fermes sur les règles, loyales à la direction, disponibles pour tous.

Alors non, proposer une médiation n’est pas une preuve de faiblesse. C’est une preuve de lucidité. C’est reconnaître que certaines situations dépassent ce que l’on peut faire seul.

Je me souviens d’une DRH qui m’avait dit, presque à voix basse: “Les salariés pensent que je suis surtout du côté de la Direction”. Nous avons parlé. Nous avons posé les choses. Elle ressentait une frustration à ne pas avoir la confiance de certains salariés. Ce n’est pas une question de compétences, malgré sa bonne volonté c’est comme ça qu’elle était perçue. Le médiateur arrive pour un temps, et repart. Ce n’est pas un remplaçant des RH, mais bien un soutien dans un moment de doutes.

Quand une DRH ose la médiation

Je ne dis pas que la médiation règle tout. Certaines relations restent marquées. Mais ce que je constate, presque à chaque fois, c’est une forme de soulagement. Une respiration. Même lorsqu’il y a des départs, les décisions sont plus apaisées.

Là où il n’y avait que crispation, colère ou silence, il y a à nouveau du mouvement. Parfois timide, mais réel.

Dans 80 % des cas, la médiation débouche sur une issue favorable. Pas forcément un grand accord signé dans la joie, mais une clarification qui permet de reprendre la route. Même les personnes qui ne participent pas directement en ressentent les effets. Le climat change. Les échanges reprennent. Les tensions cessent d’être le sujet principal des réunions.

Une fois, un dirigeant m’a dit, après une médiation : “C’est comme si on avait remis un peu d’air dans la pièce. Il y a moins de bruits de couloir.” Ce n’était pas spectaculaire, mais c’était profondément structurant.

Ce qu’on évite en agissant tôt

Je le dis souvent, mais sans urgence : mieux vaut une médiation posée trop tôt que trop tard. Parce qu’avant que les conflits n’explosent, ils pourrissent. Ils s’infiltrent. Ils figent les comportements. Ils éloignent les gens les uns des autres. Ils érodent la confiance, la motivation, le goût du travail bien fait.

Une médiation lancée à temps peut éviter des départs brutaux, des burnouts, des procédures longues et stériles. Mais surtout, elle évite cette usure insidieuse que l’on finit par appeler « culture d’entreprise », alors qu’il s’agit simplement de blessures non traitées.

Et agir tôt, ce n’est pas être naïf. C’est être responsable. C’est reconnaître que la coopération ne se décrète pas, qu’elle se travaille — et qu’il existe des outils sérieux, éprouvés, pour le faire. 

Le changement ne vient pas toujours d’en haut

Il arrive que les dirigeants doutent. Que les managers se méfient. Que certains collaborateurs refusent. C’est normal. Changer les habitudes relationnelles dans une organisation, même à petite échelle, suppose un déplacement. Il faut du temps, du discernement, du soutien.

Mais ce que j’observe, c’est que le regard porté sur la médiation évolue vite. Une fois qu’elle a été expérimentée, même à titre ponctuel, elle devient une possibilité dans l’organisation. Une ressource. Un espace.

Et souvent, ce sont les personnes les plus réticentes au départ qui finissent par en reconnaître l’utilité. Pas parce qu’on les a convaincues à coups d’arguments. Mais parce qu’elles ont vu. Elles ont ressenti. Et parfois, cela suffit à changer un système pour longtemps. Un élu de CSE m’a avoué un jour que non, la médiation « n’est pas de la câlinothérapie ».

Pour celles et ceux qui hésitent encore

Si vous êtes DRH, dirigeant·e, manager, et que vous sentez qu’une situation vous échappe, sachez ceci : vous n’êtes pas seul·e. Il est possible d’agir sans faire trembler les murs. De proposer une médiation sans déclarer l’état d’urgence. D’ouvrir un cadre sans forcer la participation.

La médiation n’est pas une démarche spectaculaire. C’est une démarche rigoureuse, confidentielle, humaine. Et elle repose d’abord sur une décision : celle de ne pas laisser les tensions se figer.

Alors si vous sentez qu’un pas doit être fait, mais que vous ne savez pas encore lequel : prenez le temps d’en parler. Pas forcément pour lancer une médiation tout de suite. Mais pour poser les choses. Clarifier. Explorer. C’est souvent là que commence le véritable changement.

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